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Dominique MEURS
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Intégration économique des immigrés : quels effets des
mariages mixtes ?
La littérature économique empirique sur l’immigration s’est
souvent intéressée au phénomène de " l’intégration
économique ", celui-ci pouvant se définir soit comme le temps nécessaire à
un/une immigré(e) pour rattraper un décalage de rémunération avec les natifs, à
caractéristiques productives équivalentes, soit comme l’écart de rémunération
entre les différentes vagues d’immigration, les plus récentes gagnant moins que les
précédentes (Borjas, 1999) .
En revanche, les facteurs jouant sur ce processus ont été étudiés
relativement peu jusqu’à présent. La maîtrise de la langue du pays d’accueil
a certes été retenue comme un élément essentiel pour favoriser l’insertion sur le
marché du travail (Chiswick et Miller,1992,1994,1995; Lazear,1995), mais peu de travaux
ont été consacrés aux autres variables pouvant jouer sur le rythme de
l’intégration économique. Parmi les facteurs potentiels, la vie en couple avec un
autochtone apparaît comme une variable importante, à un double titre : se marier
avec un natif peut d’une part accélerer la maîtrise de la langue et d’autre
part permettre d’accéder à davantage d’informations sur le marché du travail,
éventuellement de bénéficier de réseaux plus étendus de relations. Une précédente
étude dans le cas de l’Australie montrait ainsi une " prime "
significative apportée par le mariage mixte aux immigrants par rapport aux autres
immigrants vivant en couple, toutes choses égales par ailleurs (Meng, Gregory, 2001).
Le projet de recherche présenté pour la France s’inscrit dans
cette problématique et s’articule autour des trois questions suivantes :
- Observe-t-on en France à l’instar d’autres pays (Australie, Etats-Unis,
Grande-Bretagne) un impact positif de la mixité du mariage sur la position économique
des immigrés, toutes choses égales par ailleurs ?
- Tirant parti du fait que l’immigration en France est composé de francophones et de
non francophones, quelle est l’importance respective de l’apprentissage de la
langue et de l’accès au réseau social par le conjoint sur l’intégration
économique ?
- Ces effets sont-ils différenciés selon l’origine des immigrés (Afrique, Europe
de l’Est, Union Européenne) ? Cette question se décompose elle-même en deux
sous questions, à savoir une comparaison de l’effet de la mixité du mariage entre
les différents zones d’origine de l’immigration (comparaison des
" primes de mixité " entre les zones) et une comparaison de
l’impact respectif de la langue et de l’accès à un réseau pour les
différentes zones.
Pour réaliser ce projet nous disposons déjà des séries Enquête
emploi INSEE de 1990 à 2000 qui nous fournissent des renseignements détaillés sur les
caractéristiques personnelles des individus (âge, sexe, situation familiale,
éducation), leur situation sur le marché du travail (statut, expérience
professionnelle, type d’employeur, qualification, rémunération, nombre
d’heures travaillées) et des informations similaires sur leur conjoint. En
définissant les immigrés comme les personnes qui ne sont pas nées en France (nous ne
disposons pas d’autres variables pour les recenser), nous pouvons ainsi avoir une
première comparaison de la situation professionnelle des immigrés en couples mixtes par
rapport aux autres immigrés vivant en couple.
Toutefois certaines variables cruciales pour notre étude ne sont pas
présentes dans l’Enquête emploi. Outre les données standard sur les
caractéristiques personnelles, l’enquête EHF permet d’accéder à des
informations essentielles pour la réalisation de la recherche proposée. Parmi les
principales variables d’intérêt, nous retiendrons particulièrement les
suivantes :
- Année d’arrivée en métropole (ARRIVX), année de naissance (ANAIX).
Le rythme d’intégration économique est habituellement saisie par la durée
écoulée depuis l’arrivée dans le pays hôte. Notre hypothèse ici est que le
mariage mixte apporte un avantage supplémentaire, à durée de résidence égale. Il nous
faut donc disposer de l’année d’arrivée dans le pays hôte pour contrôler
pour les durées écoulées. Par ailleurs, l’âge à l’entrée en France
métropolitaine peut influer non seulement sur le rythme d’intégration économique
(on peut supposer qu’arriver jeune est un atout pour acquérir des compétences
linguistiques et s’intégrer sur le marché du travail ) mais aussi sur la
probabilité de se marier avec un autochtone. Il nous faudra donc également utiliser
l’âge comme variable de contrôle pour isoler l’effet du mariage mixte sur
l’intégration économique.
- Année-début de la première ou unique vie en couple (C14ACP1) , à combiner
avec le lieu de naissance du dernier conjoint (C16LCONJ), dans le cas où il
n’y a eu ni divorce ni décès (Le cas des divorcés et veufs devra être traité
séparément. Ces données, disponibles uniquement à notre connaissance dans la base EHF,
permettent ainsi de contrôler pour les durées effectives de mariage.
- Les variables Français et autre langue transmis par la mère (C19MFR) ou par le père
(C19PFR) permettront d’avoir indirectement un indicateur de la capacité
d’expression en français des individus. Cette mesure devra être combinée avec le
niveau d’éducation (lieu d’étude, DETUX et niveau de d’étude,
NIVETX) pour tenir compte des pays dans lesquelles les études supérieures sont
majoritairement en français, ce qui fait que les individus peuvent ne pas s’exprimer
en français dans le cadre familial tout en ayant la maitrise de cette langue avant
d’arriver en France.
- Enfin, pour estimer les éventuelles différences d’intégration économique entre
les couples mixtes et non mixtes, il nous faut un indicateur d’insertion sur le
marché du travail. Nous ne disposons malheureusement pas de la rémunération, mais les
données de l’enquête appariées à celles du recensement permettent de connaître
le statut par rapport au marché du travail (SITRAV, STATX, INAC), les périodes
d’activité et d’interruption de l’activité (à travers l’âge au
premier emploi C09TRA, les périodes d’activité C10ACT, C10FAC, les années
d’interruption et de reprise d’activité C11RUP1 C11RUP2 C11FRUP1 C11FRUP2), le
statut d’emploi des salariés (EMPLX), la catégorie socio-professionnelle (POSPX).
Notre hypothèse (à tester avec des estimations de modèles de type logit et multinomiaux
logit) est qu’à âge, durée de séjour et durée de vie en couples équivalents,
les immigrés en couple mixte ont une probabilité plus forte d’accéder plus vite à
un emploi correspondant à leur niveau d’éducation.