Les Projets de Recherche

Emmanuelle SANTELLI (Groupe de Recherche sur la Socialisation, UMR 5040 CNRS, Lyon II)

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CNRS

Trajectoires professionnelles et parcours conjugaux des populations d’origine maghrébine 

En dehors de l’enquête MGIS, nous n’avions jusqu’à présent que très peu de possibilités de travailler sur un échantillon représentatif de descendants de migrants maghrébins. L’enquête " Etude de l’histoire familiale " nous autorise aujourd’hui à explorer de nouveaux champs de recherche (cf. question concernant le pays de naissance des parents). C’est dans ce contexte que j’envisage cette collaboration qui me permettra de traiter plus particulièrement des questions relatives aux trajectoires professionnelles et familiales des populations d’origine maghrébine. Ces deux volets thématiques, inextricablement liés dans une perspective biographique, seront abordés dans le cadre des trois sous-populations : les jeunes ; les couples ; l’élite économique et la mobilité sociale. Après avoir défini leurs points communs, je les présenterai successivement afin de préciser les problématiques et les variables qui seront au centre de l’analyse.

Premièrement, il s’agit d’étudier les parcours de ces personnes dans une perspective intergénérationnelle : comment se construisent les trajectoires professionnelles en référence aux parcours des parents (comparaison des éléments de réponses fournies au sujet d’Ego et de ses ascendants concernant, par exemple, la profession occupée) ? Assistons-nous à la reconduction des statuts socio-professionnels, à une mobilité ascendante ou, au contraire, à une plus grande précarité ? Si d’ores et déjà on peut exclure, en termes de tendance, la première hypothèse (chute de l’effectif ouvrier au cours de ces 20 dernières années), il va de soi que pour appréhender ces parcours intergénérationnels il faudra se référer aux diplômes obtenus, mais aussi à l’âge (afin de situer l’analyse dans un contexte économique), et au sexe.

Deuxièmement, ces parcours seront saisis dans leurs comparaisons entre hommes et femmes : quelles sont les similitudes ou au contraire les différences (comparaison des éléments de réponses fournies au sujet d’Ego et de son conjoint et entre les réponses des hommes et des femmes concernant la profession occupée, le niveau d’étude, le temps partiel, le statut conjugal, le nombre d’enfants…) ? Pour comprendre, ce qui distingue les parcours des hommes et femmes, nous pourrons aussi procéder à une comparaison avec la population nationale.

Le premier axe de recherche concernant les jeunes visera tout particulièrement à saisir leurs modalités d’entrée dans la vie adulte. Trois types de variables retiendront notre attention : la décohabitation (âge auquel elle est intervenue), la vie conjugale (statut matrimonial, nombre d’enfants…), l’entrée sur le marché du travail (âge à la fin des études, niveau d’études, emploi occupé lors de l’enquête…). Alors que l’accent est généralement mis sur les difficultés rencontrées par les jeunes qui vivent dans les quartiers dits " sensibles " (chômage, captivité résidentielle, etc.), notre analyse tentera à partir de la tranche d’âge des 18/27 ans en 2001 (cette tranche d’âge correspond à celle que j’ai retenue dans le cadre du travail réalisé dans un quartier de l’agglomération lyonnaise : dans un souci de comparaison, il me paraît pertinent de garder la même classe d’âge)

de percevoir si la réalité n’est pas plus complexe et diversifiée : les résultats obtenus au sujet de la répartition par PCS, par lieu de résidence, par type de situation familiale… permettront de dresser le portrait de cette population.

Ces résultats statistiques seront d’ailleurs mis en perspective avec une analyse qualitative qui sera réalisée dans un quartier de l’agglomération lyonnaise auprès d’une cohorte de jeunes qui y a grandi (mais qui n’y réside pas obligatoirement au moment de l’enquête).

Le deuxième axe portera sur les couples. Cette recherche menée en collaboration de Beate Collet s’attachera à dépasser la perspective des travaux en termes de " couples mixtes ". Sans préjuger de la mixité (a fortiori de son effet sur l’intégration), nous nous attacherons à étudier les relations conjugales quand l’un des conjoints est d’origine maghrébine (étapes de la vie de couple, naissances des enfants, positions socio-professionnelles de chacun des conjoints, pays de naissance des parents…) et leurs effets sur les dynamiques familiales. Qui sont les " couples mixtes " (dénombrement, composition selon l’origine étrangère des parents, position socio-professionnelle des conjoints…) ? Quelles différences entre ces couples selon que ce soit l’homme ou la femme d’origine étrangère ? En termes de positions professionnelles notamment, les " couples mixtes " et " non mixtes " se ressemblent-ils ? Ainsi, en plus de la dimension culturelle (généralement la plus traitée dans les travaux sur les " couples mixtes), nous nous attacherons à prendre en compte d’autres variables, en particulier celles qui se réfèrent aux positions socio-professionnelles. Cela devrait nous conduire à relativiser ou à complexifier l’acception couramment admise de " couples mixtes ".

Le troisième axe s’attachera d’une part à dénombrer les personnes selon leur PCS (en référence à la nomenclature de l’INSEE et tous âges confondus ; alors que les éléments dont on dispose jusqu’à présent concernent une population jeune et née en France), d’autre part, à les mettre en relation avec la position professionnelle du père (éventuellement de la mère). L’étude de la mobilité sociale, entre ces deux générations s’inscrit dans le prolongement d’un travail précédent (cf. La mobilité sociale dans l’immigration. Itinéraires de réussite des enfants d’origine algérienne, Presses universitaires du Mirail, 2001) : elle vise à approfondir quelques-uns des résultats dans une perspective statistique. Selon l’âge, le sexe et la position professionnelle du père, il s’agira en particulier d’étudier comment se répartit la population des descendants d’immigrés maghrébins sur le marché du travail. Enfin, une attention toute particulière sera accordée à une fraction de cette population, les cadres et professions intellectuelles supérieures et les chefs d’entreprise, afin d’étudier ce qui la caractérise (parcours scolaire, sexe, âge, lieu de résidence, vie familiale…). L’intérêt est alors de contribuer à analyser une sous-population qui est généralement peu traitée dans les travaux sur les " populations immigrées et leurs descendants ".

Ces trois axes de recherche seront menés simultanément durant les quatre ans et seront combinés avec d’autres enquêtes qui se déroulent selon une approche qualitative. Par ailleurs, ces axes de recherche s’inscrivent dans le cadre des travaux réalisés au sein du GRS sur le thème de " Milieux familiaux et professionnels : échanges, générations, itinéraires ".